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Retraite marchée sur la Via Arduinna                                                 Claire COLETTE

 

 Les 28 février, 1er et 2 mars 2018, j’ai accompagné un groupe de seize rhétoriciens et deux professeurs du Collège Jean XXIII de Bruxelles pour une retraite marchée sur la Via Arduinna en Gaume. Et… ce fut justement les deux jours les plus froids de l’année, le mercure est descendu à moins quatorze la nuit précédente…

 

L’aventure a commencé très vite car, partant de Bruxelles, ils devaient prendre quelques trains afin de rejoindre ce coin de Gaume ; périple allongé d’emblée par une annulation imprévue d’un train et donc… une correspondance ratée !

Qu’à cela ne tienne, je les attendais de pieds fermes mais bien refroidie après deux heures de retard, à la gare de Florenville.

 

Nous nous sommes mis en route rapidement jusque Martué, puis avons emprunté la Via Arduinna jusqu’à Orval, soit environ seize kilomètres durant lesquels nous avons fait connaissance. J’avais proposé de leur faire découvrir la Via Arduinna, que je connais presque comme ma poche tellement je l’ai parcourue à toutes les saisons. Cette fois, c’est au creux de l’hiver, dans ses derniers soubresauts avant les prémices du printemps, par moins six degrés mais sous un doux soleil. J’ai le souvenir d’une marche en février 2013, où vingt centimètres de neige m’ont vraiment fait peiner…

 

Je suis essentiellement une marcheuse solitaire, mais j’aime aussi partager ma passion de la marche, organiser, être passeur de tous ces cadeaux de Dame Nature.

Ici, très vite une belle énergie nous a réunis, joie, échanges, rires, chants étaient au rendez-vous malgré des sacs à dos bien lourds et des chaussures pas toujours adaptées à la glisse !

J’avais proposé que ce premier jour de marche ne le soit pas en silence, car il était très important de laisser fuser cette énergie - d’autant que certains n’avaient pas encore goûté à la marche au long cours -, que chacun découvre son propre rythme et puisse exprimer ses difficultés devant cet effort neuf.

Vers 14h, nous avons mangé notre pique-nique aux ruines du relais postal de Chameleux, le soleil et le ciel bleu nous réconfortant doucement.

 

Un petit stress me traverse alors que, connaissant le chemin, à un embranchement, quelques arbres étaient tombés, plus de balises visibles… mais pas de souci, la direction prise était la bonne, Yves, un des enseignants, avait un Gps. Comme marcheuse solitaire, je ne crains pas vraiment les erreurs de parcours car elles cachent souvent de belles découvertes, des surprises, du neuf, de l’inattendu ! Mais lorsque je guide un groupe, je ne peux me permettre de rallonger les étapes et de le mettre en difficulté, d’où ce petit stress supplémentaire.

 

Arrivés à Orval, nous avons pris possession de notre gîte - appelé le « chalet » de l’abbaye -, de son jardin, de nos chambres ; petit imprévu : pas d’eau, les conduites avaient gelé ! Oups, il faut aller se laver dans l’hôtellerie, donc sortir tant pour la douche que pour… la toilette ! Un restaurateur du coin, « L’Ange Gardien », cela ne s’invente pas, nous a apporté un délicieux soupé dévoré dans une ambiance chaleureuse ! Très vite le sommeil pointait dans les bâillements, et toute la petite troupe s’est rapidement endormie !

 

Réveil le jeudi 1er mars vers huit heures, petit-déjeuner dans le réfectoire des frères, en silence… Découverte pour tous de la vie monastique…

 

Nous reprenons la route en contournant l’abbaye, sur la Via Arduinna qui conduit à Suxy par le barrage de la Vierre mais à contre sens du balisage cette fois. Une longue étape nous attendait cette fois : 27 kms. L’humeur est joyeuse, je propose d’expérimenter des moments de silence permettant de goûter à l’intériorité dans la nature. Marcher avec les pieds peut conduire à marcher à l’intérieur de soi, vers soi ; à expérimenter sans modération !

Le temps se couvre, mais il fait bien trop froid pour pleuvoir.

 

A Izel, nous sommes accueillis par le patron du café le Saf, qui nous régale d’un délicieux spaghetti ou un croque monsieur selon les goûts, avec bien entendu pour ceux qui le souhaitent un… Orval bien mérité !

Et c’est encore emmenés par une énergie renouvelée que nous repartons jusqu’au barrage avant de bifurquer vers Chiny. Le chemin est couvert d’un verglas très épais et quelques chutes spectaculaires mais sans dégâts suscitent des éclats de rire bien sonores !

 

Peu à peu la fatigue s’installe chez certains, les mots se font plus rares ; une petite pointe d’inquiétude me traverse… il reste encore un bout de chemin jusque notre étape du jour…

Après Chiny, nous côtoyons par moments la Semois, gelée, craquelée ; on dirait qu’un géant y a jeté d’énormes vitres qui ont éclaté en mille morceaux blanchâtres… Très impressionnant, je ne l’avais pas encore vue ainsi.

En sortant de la forêt, peu avant Lacuisine, c’est un peu la débandade, la douleur, les larmes, l’effroi… Vais-je y arriver se demandent certains, je n’y arriverai pas affirment d’autres… Y suis-je allée un peu trop fort me demandai-je avec vive inquiétude… Et la nuit commence à tombe, le silence aussi…

Se soutenant les uns les autres, chacun arrive à bon port à la Gaumette à Martué où « la Monique » comme elle se fait appeler nous a mitonné un repas pour se reconstituer un corps et un cœur apaisé !

Nous y sommes arrivés, toutes, tous, avec peut-être quelques cloches, quelques larmes de désespoir, mais l’on y est arrivé. C’est aussi la joie de réaliser cela.

 

Le lendemain, ce fut la grasse matinée ou… la grâce matinée ! Une matinée où l’on prend le temps de se reconnecter à soi, de partager cette expérience qui fut bien éprouvante pour certains. Je leur partage également le témoignage de mon cheminement de guérison sur le chemin de Compostelle.

A l’aube de leurs choix d’études supérieures, il est parfois important de s’arrêter un temps ; puisse cette retraite donner le goût d’un cheminement peut-être plus long afin de laisser se déposer un juste discernement dans la décision à prendre.

Les « sacrés » renoncements nécessaires !

Retraite marchée sur la Via Arduinna                                                 Claire COLETTE

 

 

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