top of page
Le gîte et le couvert

 

Marcheur au long cours, pèlerin, voilà deux de nos préoccupations quotidiennes. Avec de l’argent en poche ou une carte de banque tout cela se règle facilement. Notre Miam-Miam Dodo  nous informe au jour le jour - pour les non-initiés un guide qui recense gîtes, chambres d’hôtes, épiceries, pharmacies, banques, points d’eau tout au long des chemins de Compostelle.

 

Avec peu ou pas d’argent cela se complique : on mange en glanant, en partageant, on se débrouille, on échange des services contre un repas, et pour dormir que fait-on ? Parfois le pèlerin est invité dans une famille, il est autorisé à dormir dans la grange, il bénéficie de la gratuité dans certains gîtes ou monastères. Mais si tout cela n’a pas marché, ou si un imprévu vous laisse en fin de journée sans solution, tout doucement une certaine angoisse monte car nous n’avons plus l’habitude de dormir à la belle étoile… et il pleut !

 

Subrepticement vous vous glissez dans une grange, un garage, un abri de jardin, sous un auvent. Et comme il y a de fortes chances, lectrice, lecteur, que vous ayez quelques cheveux blancs, une tête sympathique, des vêtements corrects, un sac à dos de bonne facture et que vous parliez français, le lendemain matin vous expliquez votre désarroi au propriétaire qui vous a surpris et il vous offrira peut-être un café pour vous réchauffer.

 

Imaginons que vous soyez un autre : vous avez vingt-quatre ans – ou peut-être même seize ans, vous vous appelez Abdu, votre peau est noire, vos cheveux crépus, dans le meilleur des cas vous avez un tout petit sac à dos, le plus souvent vos possessions tiennent dans vos poches, vous ne parlez pas français, à peine quelques mots d’anglais, vos vêtements sont sales, déchirés sans doute, vous n’avez pas de papiers d’identité. Et en plus vous ne connaissez pas les codes de nos pays européens : qu’est-ce qui est privé ou public ? Pourquoi le parc ferme la nuit ? Tout est difficile, tout est impossible… et il pleut !

 

Fermez les yeux, essayez au fond de votre cœur d’imaginer la situation, vraiment, essayez. Et ajoutez à cela toute la souffrance physique et psychique des routes de l’exil, l’horreur des souvenirs, les parents massacrés sous vos yeux, la torture dans le désert libyen, les compagnons d’infortune noyés en Méditerranée.

 

Alors vous comprenez que votre angoisse de pèlerin sans toit n’est rien en comparaison de ce que vivent tous les soirs, depuis des années parfois ces jeunes et moins jeunes jetés sur les routes de l’exil par la guerre, la conscription à vie en Erythrée, la répression policière, l’arbitraire violent des dictatures, la misère, la faim. On ne quitte jamais son pays, sa famille de gaîté de cœur mais seulement contraint et forcé.

 

En Belgique, un mouvement citoyen d’ampleur s’emploie à soulager ce malheur. BXLRefugees-La Plateforme Citoyenne de Soutien aux réfugiés offre à nos « amis-grants » des services juridiques, des soins de santé, des vêtements, une école pour les enfants, des cours de français, des repas et surtout des nuits chez l’habitant. Un groupe qui compte près de 41 000 membres est spécialement chargé de l’hébergement dans les familles – et c’est unique en Europe. Tous les soirs au Parc Maximilien, près de la gare du Nord, des bénévoles, nos Anges qui se dévouent jusqu’au cœur de la nuit, accueillent les familles qui souhaitent offrir le gîte à un ou plusieurs migrants, pour une ou plusieurs nuits. Si des familles ne peuvent pas se déplacer des chauffeurs se chargent d’acheminer les invités dans les familles. Nous trouvons un gîte pour environ 500 à 600 amis-grants toutes les nuits soit dans les familles, soit à la Porte d’Ulysse qui pouvait accueillir 200 personnes, un centre d’hébergement collectif créé, géré et largement financé par la Plateforme citoyenne mais malheureusement fermé depuis le 28 avril.

 

Et les autres, ceux qui n’ont pas trouvé un toit pour la nuit, que font-ils ? Ils dorment dans les couloirs de la gare du Nord qui ferme de 01h à 04h, dans le parc, dans quelques squats… Avec toujours la peur de la police qui – vous devez le savoir – se comporte de façon inhumaine avec eux. Ils sont arrêtés, bien souvent relâchés, mais entretemps la police leur a confisqué leur GSM, leur argent, leurs pauvres biens. Certains repartent du commissariat sans leurs chaussures (oui… une nuit par -8°C) ou sans l’attelle que l’hébergeur avait achetée pour aider à la consolidation d’une fracture. La Plateforme leur procure à nouveau tous les biens matériels mais qui leur rendra les photos de leur maman, les numéros de téléphone qui sont leur seul lien avec leur passé ou avec les personnes qui les aident ?

 

Un Erythréen dans la trentaine me demandait instamment de lui trouver un logement en famille, il venait de passer trois nuits dans le parc et son souci n’était pas d’en passer une quatrième à l’extérieur mais de prendre une douche et de laver ses vêtements. La dignité humaine réside là aussi.

 

Ouvrez votre cœur, participez à ce mouvement magnifique, vous en ressortirez grandis et enrichis. Et plus tard, quand on reparlera de cette période, vous pourrez dire : « oui, je savais et j’ai fait ce que j’ai pu » selon la philosophie des Colibris de Pierre Rahbi .

 

 

Sylvaine Drablier

 

Pour vous infomer

www.bxlrefugees.be

https://www.facebook.com/groups/hebergementplateformecitoyenne

 

 

Pour aller plus loin

Vous pouvez aider de moult façons :

-          accueillir au sein de votre famille de temps en temps

-          être chauffeur

-          aider matériellement la Plateforme (vêtements, produits d’hygiène)

-          intégrer un groupe «Colis-Colibris » qui aide les hébergeurs

tout cela est bien expliqué sur les deux sites dont les liens figurent ci-dessous.

 

Si vous hésitez, parcourez la page facebook, venez nous rencontrer au parc un soir entre 20h30 et 23h, prenez « en relais » un invité, cela signifie que vous hébergez une personne qui a passé la nuit chez un autre hébergeur qui vous le recommande. Vous pouvez aussi commencer par être chauffeur, une bonne façon de faire connaissance avec ces personnes.

 

 

Dernière minute : vous savez pourquoi on a coupé massivement des arbres et des buissons le long de la E411 et de la E313 et sur les aires d’autoroute ? Pour que le migrants ne puissent pas s’y cacher ! Quelle honte !

 

 

 

 

bottom of page